Supprimer la chasse tous les jours, pas juste le weekend
Tribune pour la REV co-signée par Aymeric Caron et Azelma Sigaux, publiée dans le journal Le Monde, prônant une abolition totale de la chasse.
TRIBUNES
11/16/20214 min temps de lecture
L’automobiliste blessé par balle le 30 octobre dernier en Bretagne par un tir de chasseur est malheureusement décédé. Le meurtrier a été mis en examen. Mais quelle condamnation aura-t-il ? Combien d’autres chasseurs, ayant accidentellement tué des êtres humains, ont eu des sanctions minimes ? En réalité, malgré un accident de chasse tous les trois jours en France selon l’OFB, les peines prononcées ne dépassent pas souvent le sursis et la relaxe est l’issue offerte à nombre d’auteurs d’homicides. On se souvient par exemple du chasseur ayant tué l’un de ses collègues en 2016, près d’Aumale, lors d’une battue, finalement acquitté par le tribunal correctionnel de Beauvais.
Les décès humains dus aux accidents de chasse ne sont pas rares. Pour la seule saison 2019-2020, pas moins de 11 personnes ont perdu la vie. Tantôt en train de cueillir des champignons, dans une forêt publique, parfois dans leur jardin, en train de couper du bois. Ce fut le cas de Morgan Keane, jeune homme de 25 ans, alors qu’il tranchait des bûches dans son propre jardin, dans le Lot, le 2 décembre 2020. Même drame en 2017, lorsqu’une habitante de l’Aveyron, âgée de 69 ans, se fait tuer dans son terrain par un chasseur. Samedi 6 novembre 2021, en Normandie, un cycliste a reçu 13 plombs dans le corps alors qu’il circulait en forêt. Si l’homme a survécu à l’accident, il en est ressorti traumatisé. Les cas similaires sont nombreux, et ne se limitent pas à ces quelques exemples qui ont fait la une.
Suite au décès du conducteur ce 4 novembre, quelques réactions de politiciens se sont fait entendre. Yannick Jadot propose par exemple de supprimer la chasse pendant les week-ends et les vacances scolaires. C’est une perspective qui va dans le bon sens, mais insuffisante. La Révolution Écologique pour le Vivant (REV) propose d’abolir purement et simplement la chasse de loisir, chaque jour de l’année.
La chasse serait un sport, prétendent certains, et il serait inconcevable d’en censurer la pratique. Mais on ne peut comparer cette activité qui consiste à tirer sur des animaux vivants avec le football ou le footing. D’une part, le fait de lever le coude et d’appuyer sur une gâchette ne demande qu’un engagement calorique limité, et le profit de ce geste, même répété, pour le système cardio-vasculaire est difficilement démontrable. D’autre part, nul sport ne tue autant de copains et de passants: en France, plus de 400 humains ont été tués au cours des 20 dernières années.
Les animaux non humains sont les premières victimes des chasseurs, ne l’oublions pas. Chaque année, ce sont plus de 30 millions d’animaux qui sont tués par cette seule pratique, dont deux tiers proviennent d’élevages. La sélection des espèces n’étant pas toujours possible, en particulier avec les techniques les plus barbares, certains animaux en voie d’extinction ou protégés sont également éliminés durant la saison de la chasse. C’est le cas, par exemple, d’un aigle royal abattu en octobre dernier sur le massif du Mézenc. Quant aux périodes de fermeture, permettant d’offrir un bref répit aux animaux sauvages en période de reproduction, notamment, elles donnent lieu à diverses mesures d’exception, octroyées à certains chasseurs par les autorités. Pendant le confinement, alors que la population a dû changer son mode de vie et tirer un trait sur de nombreux loisirs pour des raisons sanitaires, des dérogations ont ainsi permis aux chasseurs de continuer à “réguler le gros gibier”.
Le récent drame, survenu en Bretagne, est l’occasion de répéter notre engagement sur le sujet, et l’un de nos points programmatiques fondateurs : la chasse doit être interdite, sous toutes ses formes (voir notre tribune publiée dans Libération le 8 décembre 2020).
Il faut dire que les arguments contre la chasse ne s’arrêtent pas à la seule issue fatale des êtres humains et des animaux — raison qui devrait, selon la REV, se suffire à elle-même. La chasse est également à l’origine d’une importante pollution des sols. L’ECHA (Agence Européenne des Produits Chimiques), estime que plus de 20 000 tonnes de plomb sont dispersées dans la nature par les chasseurs sur le continent chaque année. En France, ce sont 6000 tonnes par an qui se retrouvent dans les sols. Une balle de plomb met jusqu’à 200 ans pour se dissoudre et les effets indésirables peuvent être particulièrement graves, allant jusqu’à provoquer le saturnisme, une maladie qui touche les enfants comme les adultes. Outre les métaux lourds, la chasse entraîne également une forte pollution au plastique.
Devant les dangers que représente la pratique de la chasse, à la fois sur le plan écologique que sécuritaire ou en termes de biodiversité, l’heure n’est plus ni à la demi-mesure, ni à la compromission. Cela fait bien longtemps que les arguments du lobby de la chasse ont été démontés, un à un. Alors que plus de 20 millions d’animaux d’élevage sont lâchés dans la nature chaque année par les chasseurs eux-mêmes, le mythe de la régulation ne tient pas. L’argument économique, face à une réalité d’économie souterraine et non fiscalisée, est également bien fragile. Et pour ceux qui brandissent l’excuse de la tradition, on leur rappelle que nombre de traditions cruelles ont été, fort heureusement, abolies. Malgré l’évidence, la chasse perdure, synonyme d’un électorat qui a le don de corrompre les décideurs de ce pays.
Alors, face à la barbarie des uns et à l’aveuglement volontaire des autres, nous disons STOP. Pour le vivant, pour la sérénité des randonneurs et des habitants, pour la préservation des espaces naturels, dans les campagnes comme aux abords des villes, toutes les chasses doivent être abolies, sans délai ni concession.
Azelma Sigaux, porte-parole de la REV (Révolution Écologique pour le Vivant) Aymeric Caron, fondateur de la REV (Révolution Écologique pour le Vivant)
Tribune publiée dans le journal Le Monde, le 16/11/2021 https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/11/16/devant-les-dangers-que-represente-la-pratique-de-la-chasse-l-heure-n-est-plus-a-la-compromission_6102292_3232.html